Thalès de Milet (-625 à -547) : tout n'est qu'eau

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Quelques mots sur la naissance de la philosophie, dont Thalès est le marqueur : la philosophie est né d'un détachement de la mythologie, c'est-à-dire des récits qui expliquent les causes de la naissance de l'univers et des événements qui s'y déroulent par le biais de raisons divines. À partir de Thalès, on ne chercha plus la nature de l'univers et son origine dans des récits théologiques et religieux tels que la Théogonie d'Hésiode (la Bible de l'époque), on les chercha plutôt par la raison, l'argumentation rationnelle.

C'est ainsi qu'est née la philosophie, plus précisément la philosophie pré-socratique, qui désigne tous les penseurs ayant vécus avant Socrate. La question fondamentale des philosophes pré-socratiques était : "De quoi est constitué le monde ?". Ainsi, ils s'agissaient de physiologues, ils tentaient de comprendre l'origine et le fonctionnement profond de la physique du monde (physique venant de phusis et signifiant, en grec, la "nature"). Cette démarche permet de relier à sa racine même la philosophie et la science, comme cherchant toutes deux à expliquer et comprendre la nature en se séparant des dogmes théologiques ; deux disciplines qu'on a si souvent tendance à séparer aujourd'hui. On pourrait dire que tandis que la science recherche le "comment ?", c'est-à-dire le fonctionnement de la nature et ses lois, la philosophie recherche elle la seconde face de cette même pièce : le "pourquoi ?", les causes expliquant la raison pour laquelle la nature fonctionne de cette manière, et pas d'une autre. Cette préoccupation métaphysique (signifiant "ce qui est derrière la physique" et qui explicite la nature directement visible) était centrale chez les Grecs, et s'est perdue avec la philosophie moderne.

Revenons aux pré-socratiques et leur volonté de comprendre la nature. Ces penseurs introduisirent une notion clé en philosophie : la substance. Ils cherchèrent la substance (comprendre la fondation ou encore la matière première, cette méta-physique) à partir de laquelle toute chose de l'univers est constituée. Comme nous le verrons, pour Thalès, il s'agit de l'eau. Il en ressort que la caractéristique commune à beaucoup de pré-socratiques est le monisme : la théorie selon laquelle toute chose de l'univers peut être réduite à une seule substance, toutes ces choses n'étant que des modes divers sous lesquels apparaissent cette substance (par exemple, l'eau peut avoir trois formes différentes, mais cela reste de l'eau malgré tout).


Thalès de Milet est donc considéré comme le tout premier philosophe, puisque c'est lui qui a initié cette démarche : trouver des explications rationnelles, et non plus divines, aux phénomènes observables.

C'était un grand scientifique, versé plus précisément dans la géométrie et l'astronomie grâce à ces nombreux voyages en Égypte. Ses observations se révélaient souvent justes, si bien qu'il put prédire la date précise d'une éclipse, phénomène rare, en -585, mais une année, il put également prédire une récolte particulièrement fructueuse d'olives, qu'il put faire fructifier à son compte en achetant toutes les presses à olives de la ville puis en les louant une fois le temps des récoltes venu.

Comme ces faits biographiques le prouvent, Thalès était doué d'un esprit pragmatique. C'est pour cela qu'il était convaincu que l'origine des phénomènes du monde n'était pas surnaturelle, mais avait des causes naturelles qu'il était possible de trouver par le biais de l'observation et de la réflexion. Thalès s'est donc mis en quête du principe matériel, la substance fondamentale à l'origine de toute chose de l'univers.

Son raisonnement fut le suivant. La substance primordiale devait être obligatoirement :

• quelque chose qui peut former tout le reste
  
• quelque chose d'essentiel à la vie
  
• quelque chose capable de mouvement (donc doué de vie, nous verrons cela)
  
• quelque chose capable de changer de forme (solide, liquide, gazeux)
  

Thalès conclua que toute chose, malgré des qualités en apparence très différentes, ne sont qu'une des formes de l'eau. En observant également que la terre des continents finit toujours par donner sur la mer, il considéra que la Terre elle-même émerga d'une mer infinie, et flotte maintenant sur elle.

La seconde théorie connue de Thalès est une théorie dite de l'animisme. L'animisme est la doctrine selon laquelle une force vitale, ou âme, anime toute chose. Pour Thalès spécifiquement, tout ce qui est capable d'initier un mouvement, de bouger par lui-même, est animé d'une âme de nature divine, et est donc vivant. Il fait ce constat à partir d'un aimant, capable d'induire un mouvement chez une autre chose. Pour lui, l'aimant est pourvu d'une âme, puisque capable de mouvement, donc l'aimant est vivant. Sa théorie est résumée par son plus célèbre aphorisme (une phrase courte et concise résumant une doctrine) :

Thalès était surtout un professeur, et fonda vraisemblablement l'école Milésienne de pensée. Son célèbre étudiant, Anaximandre, poursuivi et approfondi les théories scientifiques de son maître mais fut en désaccord avec lui sur la substance primordiale composant l'univers, ne considérant pas l'eau comme fondement essentiel de toute chose, mais plutôt l'infini.